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“La chose la plus difficile que je n’ai jamais faite avec un appareil photo”

Entretien avec Nick Turpin, photographe de rue

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Published: 29 oct. 2019
“Documenter la vie dans les villes contemporaines est la chose qui me passionne, et c’est ma façon de connaître le monde”, confie Nick Turpin, photographe à la “double vie” : il travaille, effectue des reportages photo éditoriaux et des campagnes publicitaires (parmi ses clients : IBM, Toyota, Barclays Bank et Jaguar) ; et par passion artistique, il est photographe de rue.

Cependant, la définition qu’il préfère, pour qualifier ses clichés, n’est pas street photography mais candid public photography, autrement dit la “photographie spontanée dans les lieux publics” : les images proviennent en fait d’un ensemble de lieux incluant les rues mais ne s’y limitant pas, et elles représentent des sujets qui ne sont pas conscients d’être pris en photo. Le jour-même où nous avons conduit cette interview, le hashtag #canpubphoto,atteignait les 100 000 occurrences sur Instagram ; il a été lancé par Turpin précisément pour permettre aux photographes professionnels et amateurs de marquer leur adhésion quant à l’approche de la candid public photography.
“La chose la plus difficile que je n’ai jamais faite avec un appareil photo”

Dans la série The French, photo de Nick Turpin prise à Grenoble, en France

Au moins deux choix techniques et esthétiques découlent de l’intention de Turpin de documenter le monde à travers la photographie. L’un est la couleur, parce que “le monde est évidemment en couleur”, explique Turpin, “mais aussi parce que le noir et blanc apporte un bagage historique dont je préfère m’éloigner : je ne veux pas prendre les mêmes photos que mes collègues d’il y a cinquante ans ; je veux que ce soit les miennes”. Toujours pour intervenir le moins possible sur la réalité de la scène, dans ses projets de candid public photography, Turpin évite d’utiliser des lumières supplémentaires, en plus des lumières naturelles ou artificielles déjà présentes sur le site.

“En outre, je fais aussi des portraits éditoriaux en plein air”, ajoute Turpin, “et je transforme souvent la rue en studio photo. Dans ce cas, je travaille avec des assistants qui gèrent des flash. Pour deux projets, Youth et The Bridge, j’ai pris des portraits en éclairant les sujets avec des lumières de dimensions réduites ; l’idée m’est venue quand je vivais à New York ; j’ai photographié les petites taches de lumière qui se créaient dans la rue au coucher du soleil, quand le soleil se reflétait sur les vitres des gratte-ciel, et restaient quatre ou cinq minutes avant de disparaître. Dans mes portraits, j’ai cherché à recréer ces petits taches de lumière”.
“La chose la plus difficile que je n’ai jamais faite avec un appareil photo”

Photo de Nick Turpin prise à Londres

La décision de ne pas utiliser de flash impose à la photographie spontanée dans les lieux publics un rythme curieusement “naturel”, en raison de l’activité exercée dans les grandes métropoles. “Un photographe de rue est toujours extrêmement conscient de la direction, de l’intensité, de l’angle et de la température de la lumière”, explique Turpin, “parce qu’ils déterminent littéralement où il peut photographier, et où il ne peut pas”. Par conséquent, au fil de la journée, le photographe se retrouvera probablement à rechercher des lieux plus ouverts, où les constructions fassent moins obstacle au soleil, ou au contraire puissent refléter les dernières lueurs du couchant, comme dans le cas des gratte-ciel à New York. Le soir, le jeu est renouvelé grâce à l’éclairage artificiel : “Au crépuscule et la nuit, je suis attiré par les zones les mieux éclairées, où je peux travailler”, complète Turpin. “Parfois, si l’éclairage public suffit à créer un peu d’ambiance et d’ombres, il se prête à des photos merveilleuses. D’autres fois, l’éclairage dépend des écrans publicitaires ; par exemple à Piccadilly Circus, à Londres, il est possible de shooter toute la nuit avec ces lumières”.
“La chose la plus difficile que je n’ai jamais faite avec un appareil photo”

Photo de Nick Turpin prise à Londres

Au crépuscule et la nuit, je suis attiré par les zones les mieux éclairées.
Le revers de la médaille, ajoute Turpin, c’est que le total manque de contrôle sur les conditions lumineuses peut être frustrant : “Il arrive de voir des scènes incroyables, mais mal éclairées, et de ne pas pouvoir les photographier”.

Dans l’un de ses projets les plus récents, l’obscurité s’est transformée en alliée. On The Night Bus recueille les portraits que Turpin a pris durant trois hivers consécutifs d’usagers assis à l’intérieur des autobus, derrière les vitres opacifiées par la condensation : “Comme j’étais dehors, dans le noir”, raconte-t-il, “je distinguais clairement les gens dans les autobus, mais eux ne me voyaient pas. De cette façon, j’ai pu faire des photos très intimes. De plus, les lumières à l’intérieur des autobus étaient toujours différentes : parfois fluorescentes, d’autres fois au tungstène ou à LED ; et elles étaient de couleurs diverses”.

Pour Turpin, la candid public photography est plus qu’une forme d’art : “C’est une sorte de méditation. Alors que je prends des photos dans la rue, je perds toute notion de moi-même, je peux passer six ou sept heures à me promener dans une ville sans jamais penser à moi, et j’aime cette sensation”.

“La photographie de rue est un processus mental”, ajoute-t-il : “prendre la photo n’est que la dernière étape, et sert à enregistrer le résultat final. Tout le monde peut le pratiquer ; j’utilise un petit appareil photo avec un objectif standard, mais on pourrait également utiliser un smartphone. J’aime la simplicité technique de la photographie de rue, mais le fait même que ce soit si simple explique pourquoi c’est si difficile ; la chose la plus difficile que je n’ai jamais faite avec un appareil photo”.