filter search
Product Type
Application Area
Lighting Effect
Product Type
Application Area
Lighting Effect
Back

« Suivre la lumière du soleil est une aventure »

Entretien avec la photographe Patrizia Savarese

Tags
Published: 26 mars 2020
Par sa carrière, Patrizia Savarese a été amenée à travailler dans de nombreux et divers contextes, en gagnant au fil du temps respect et renommée internationale. Ses photos ont été publiées dans d’importantes revues sur la photographie contemporaine, comme l’ouvrage qui, en 2017, fêtait les cent ans de Nikon et la collection Foto : Box du « Corriere della Sera ». Elle a à son actif de nombreuses expositions en Italie, Allemagne et France, des calendriers d’auteur, et a tenu des ateliers dans les principaux festivals de la photographie. Nous avons parlé de deux des thèmes qu’elle a le plus souvent affrontés, avec une grande originalité dans des œuvres, l’eau et les aliments, en approfondissant en particulier l’utilisation de la lumière.

« Avant de faire la moindre photo, il faut être un bon observateur. En observant les choses que j’aime, je remarque des aspects que j’ai envie de reproduire et je m’interroge sur la façon de les recréer en laboratoire ». Pour l’eau par exemple, l’objectif de Patrizia Savarese n’a jamais été de faire des reportages sur les mers, les lacs ou les fleuves : il suffit d'imaginer les bocaux et la vaisselle de Minimal Underwater, mis dans une bassine pleine d’eau sur la terrasse de son appartement à Rome, et qui on fait l’objet de nombreuses expériences, avec la variabilité de la lumière, les ombres et les transparences des gouttes, secousses, éclaboussures. Un mètre carré et la lumière du soleil sont bien souvent suffisants pour étudier ce qui l’intéresse.
« Suivre la lumière du soleil est une aventure »

Tirée de la série « Le Conserve Impossibili », du livre MINIMAL,
photo de 1 mètre carré (Éd. Blurb) publiée récemment,
avec un récit de l’auteur, sur le magazine du Gambero Rosso.

Pour son mode opératoire, Patrizia Savarese emploie plusieurs fois l’adjectif « expérimental », non au sens de « avant-gardiste », mais plutôt de « méthodique ». Une méthode qui laisse toutefois de la place à l’intuition improvisée ou au hasard - d’autant plus quand elle aborde des sujets ingouvernables comme l’eau en mouvement - mais ceux-ci apparaissent au cours d'un projet prédéfini. « Avant d’être photographe, j’ai étudié l’architecture et ai aussi un peu travaillé à des études d’architecture et de design », raconte-t-elle. « Le projet est la base de ma formation, et je crois qu’il est aussi l’un des éléments principaux de mes recherches ». Autrement dit, « j’essaie de faire des choses qui ont un sens du début à la fin : je commence par un point, et toutes les étapes suivantes doivent être le plus coordonnées et cohérentes possible. Je recherche des effets différents, des suggestions différentes, et puis une grande partie est expérimentale ; parfois les idées viennent même instantanément. C’est très difficiles, mais aussi très amusant ».

La lumière du soleil est un point ferme dans l’expérimentation : « j’ai travaillé plusieurs années en studio, en reconstituant la lumière avec des flashes et des lampes, mais depuis quelque temps je préfère travailler avec la lumière naturelle. Je la trouve plus aventureuse : je la suis du matin au soir, elle a d’infinies variations en fonction des saisons et de la journée, du ciel ; elle change de couleur et de direction. Si l’on ne comprend pas la lumière du Soleil, et toutes ses variantes au cours d’une journée, on ne comprend pas la lumière, et il est impossible de réaliser des photographies ». Patrizia Savarese transmet cette lucidité même à ses aspirants collègues plus jeunes : « quand je travaille avec les jeunes, je les incite très fortement à comprendre, sentir et capturer la lumière. Nous l’avons sur nous, la lumière du Soleil : elle nous atteint et nous réchauffe et comme l’eau, elle est la vie ».
« Suivre la lumière du soleil est une aventure »

Extrait du Calendrier pour la typographie de la Chambre des Députés -
« I Colori della Frutta » 2012 L’image a aussi été utilisée en
Australie pour une campagne de presse, par Getty Images

J’ai travaillé plusieurs années en studio, en reconstituant la lumière avec des flashes et des lampes, mais depuis quelque temps je préfère travailler avec la lumière naturelle. Je la trouve plus aventureuse : je la suis du matin au soir, elle a d’infinies variations en fonction des saisons et de la journée, du ciel ; elle change de couleur et de direction.
Bien que cela ne puisse paraître une limitation, choisir d’utiliser la lumière du soleil signifie en revanche s’ouvrir aux opportunités, et en tout cas n’exclut pas le recours à Photoshop pour uniformiser les détails en postproduction. Pour se faire une idée claire des résultats, les images peuvent être observées dans la section Food du site de Patrizia Savarese, presque toutes réalisées avec la lumière naturelle sur des plateaux aménagés parfois à l’intérieur, parfois en plein air. Le cas de la série Verdure volanti est particulièrement curieux : « en réalité ils ne volent pas du tout », explique Patrizia Savarese ; « ils sont posés sur un plan en Perspex transparent ». Mais alors, d’où vient l’impression qu’ils sont suspendus dans l’air ? « C’est un effet de la lumière, qui arrive de dessus et de dessous, en annulant les ombres.

La lumière arrivait du haut (dans certains cas par une lucarne, comme faisaient les anciens photographes) et sous la tablette transparente, un panneau la réfléchissait de manière à annuler les ombres ». « Je ne me qualifie pas d’artiste », dit Patrizia Savarese : « je suis une professionnelle, je fais mes photos dans l’intention de les vendre ». Son travail a toutefois souvent recommencé à insister sur certains thèmes avec la cohérence d’une recherche personnelle. « Quand j’étudiais à l’IED dans les années Soixante-dix, j’étais déjà intéressée par l’eau et les transparences : je prenais des morceaux de Perspex et je les photographiais. Un hasard de la vie a voulu que bien des années plus tard, elle soit appelée à réaliser une série de calendriers d’entreprise pour Teuco en utilisant, justement, des formes en Perspex transparent et en les insérant dans des contextes naturels.
« Suivre la lumière du soleil est une aventure »

Extrait du calendrier pour Teuco-Guzzini « Natural Design » 1998

Les calendriers représentent un format qui s’accorde bien avec l’approche créative de Patrizia Savarese : douze photos qui ont en commun un fil conducteur. Autre calendrier, dans les modèles réalisés pour Teuco, que Patrizia Savarese rappelle avec un certain plaisir : Grafie d’acqua. « Il s’agit de photos qui ont connu un succès discret et ont été primées et, néanmoins, elles ont vraiment été créées avec des moyens simples », raconte-t-elle. « À la fin des années Quatre-vingt-dix, on ne connaissait pas encore le rideau d’eau dans le secteur de la salle de bains, désormais très utilisé dans les baignoires et les piscines. Cependant, je voulais réaliser un travail inspiré des fontaines qui se trouvent à l’extérieur du Palais de Justice, à Rome, et qui présentent un jet d’où l’eau sort sous forme de rideau. Et nous avons ainsi inventé une gouttière où l’eau entrait et allait s’écouler plus bas, mais nous avons dû résoudre d’innombrables problèmes car le rideau d’eau s’interrompait en moment donné ; nous devions donc trouver la puissance d’eau adéquate, et étudier une longue liste d’autres détails ».
« Suivre la lumière du soleil est une aventure »

Calendrier pour Teuco-Guzzini « Grafie d’Acqua » 1999.
Images figurant dans la collection du Corriere
« Foto : Box - le immagini dei più grandi maestri della
fotografia internazionale » en 2008 et dans le livre commémoratif de 2017
« It’s Nikon, it’s an Icon », une collection de 100 images
par autant de photographes italiens.

Il n’est pas fréquent, pour Patrizia Savarese, d’utiliser le noir et blanc : dans cette série, elle explique qu’il lui était utile pour concentrer l’attention sur l’effet de l’eau, « c’est une façon d’éliminer ces aspects émotionnels en faveur d’autres », mais elle n’associe pas de valeur absolue à ce choix. « La photographie est née en noir et blanc car la pellicule couleurs n’existait pas, et non pour sa valeur supérieure par rapport à une autre technique. Nous voyons en couleurs. Si sur certains sujets le noir et blanc est intéressant, c’est précisément parce qu’il représente une abstraction ».